 Aucune cloche n'a sonné dimanche matin à Port-au-Prince, où de nombreuses églises et même la cathédrale ne sont plus que ruines après le séisme de mardi, mais les Haïtiens ont réussi à se rassembler pour remercier Dieu et prier pour les victimes. Au centre-ville, les fidèles se sont réunis dans une rue adjacente à la cathédrale, dont seule une façade est encore debout avec sa rosace. Représenté sur un vitrail, Jésus semble contempler le désastre.
"Je dois transmettre un message d'espoir, car Dieu est parmi nous malgré la tragédie, et la vie n'est pas finie", explique le père Henry Marie Landasse en préparant la messe. "Il y a des choses difficiles à comprendre si l'on n'a pas la foi".
Des dizaines de fidèles sont venus, un masque sur le visage pour tenter d'échapper à l'odeur des corps en putréfaction. Beaucoup sont sales, épuisés, affamés, mais ils chantent, le rosaire à la main.
"Nous avons perdu beaucoup de choses. Certains ont même tout perdu, mais Dieu est avec nous", dit Aïda Paul.
Dans ce pays profondément croyant, où plusieurs branches du christianisme cohabitent avec des pratiques comme le vaudou, le séisme a été considéré par beaucoup comme un signe divin et accueilli avec une résignation surprenante.
Chaque nuit, des cantiques de louange et de grâce s'élèvent des rues où des milliers d'Haïtiens ont trouvé refuge de peur des répliques ou parce qu'ils n'avaient nulle part où dormir.
"Je n'ai pas perdu espoir, ni la foi en Dieu, car je suis vivante", dit Ismela François, une vieille dame. "Et je suis venue dire merci car la main de Dieu a sauvé ma famille."
L'aube blanche du prêtre tranche avec le décor de ruines. Il rend grâce et demande la miséricorde de Dieu pour les victimes. Personne dans l'assistance n'oublie que l'un des prêtres de la cathédrale est enseveli dans les ruines de la résidence des évêques, toute proche. L'archevêque a également péri dans la catastrophe.
Pendant la messe, certaines femmes ne peuvent retenir leurs larmes. Les conversations se nouent à voix basse pour partager les dernières nouvelles concernant les victimes, les rescapés, la distribution d'aide.
Dans l'église baptiste de Pétion-ville, proche de Port-au-Prince, seuls quelques dizaines de fidèles ont assisté à une cérémonie très courte, scandant des chants religieux au milieu de sanglots.
"Nous avons perdu des responsables de l'église, des membres de notre chorale. Soeur Gerta est morte", dit l'officiant du jour en l'absence du pasteur. L'église est fissurée par endroits, ce qui a contraint ses dirigeants à écourter le service.
"Nous ne sommes pas surpris par cet événement. Tout est écrit, tout est prévu", dit Fito, un homme d'une cinquantaine d'années, en se référant à l'Apocalypse.
Dans la banlieue de Pétion-ville, les autres lieux de culte sont fermés ou détruits, comme les deux grandes églises catholiques Saint-Pierre et Sainte-Bernadette. Sur une radio locale, le curé de la paroisse du Sacré-Coeur raconte que des dizaines de fidèles mais aussi des prêtres ont péri sous les décombres de l'église. Lui-même a échappé de justesse à la catastrophe.
Le petit temple des témoins de Jéhovah à Pétion-ville est rempli de ses 200 fidèles proprement vêtus. Même sans le système de sonorisation, les chants s'élèvent.
"Nous continuons de prier pour Haïti, de remercier le ciel, parce que sans la prière, il y aurait eu plus de victimes" soutient un fidèle. "Si nous avons été épargnés, c'est pas parce que nous sommes meilleurs que les autres. Ma foi est encore plus ferme".
Source : lenouvelliste
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